Des chaînes à l'huile de morue chez Sram

Voyage à travers l’histoire de l’usine de Coimbra au Portugal où sont produites les chaînes Sram, notamment celles pour les transmissions 1x12 qui font encore débat parfois
Publié le 06/03/2018 15:58 -
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A l’occasion du 50e anniversaire de son usine de Coimbra au Portugal, Sram nous propose une visite en image au travers des secrets de production des chaînes de vélo. Autant suivre le guide…

"En janvier 2018, l'usine de développement et de fabrication de la chaîne Sram à Coimbra, au Portugal, a fêté ses 50 ans. Depuis un demi-siècle, ouvriers qualifiés et machines complexes ont transformé le métal brut en un composant de transmission essentiel du vélo : la chaîne.

Coimbra est une ville pleine de charmes du centre du Portugal où se trouve l'une des plus vielles universités du monde et l'usine de chaîne Sram.

Le premier contrat de l'usine Coimbra est venu du constructeur français Peugeot, qui avait besoin de chaînes pour ses bicyclettes et ses cyclomoteurs. Puis vinrent les chaînes Sedis. Le fabricant allemand de bicyclettes, de motocyclettes et de composants automobiles Sachs a finalement acquis la marque Sedis. Et c’est en 1997 que Sram a racheté la division « Cycle » de Sachs et c’est ainsi que Sram Portugal est né.

Donnant sur la rue, les bâtiments récent abrite les services administratif et des laboratoires de test

Les chaînes produites dans cette usine propulsent depuis des décennies des vélos dans le monde entier, contribuant aux déplacements, à l’activité de millions de personnes. Ces vélos ont amené les élèves à l'école et les employés au travail, ils ont aidé les gens de tous les âges à trouver la liberté du deux roues que ce soit de façon utilitaire, loisir ou sportive. Les chaînes fabriquées ici ont gagné à peu près toutes les courses de vélo sur terre.

Entre les nouveaux bâtiments et l'usine historique, une petite pumptrack.

 

Les chaînes semblent simples. Elles sont composées de plaques, de rouleaux intérieurs et extérieurs reliés par des broches. Exception faite du format, l’apparence est très similaire que la chaîne soit destinée l’industrie, à l'automobile, à la moto ou au vélo. De même, les chaînes de vélo les plus modernes ressemblent beaucoup à celles qui équipaient les bicyclettes à la fin du XIXe. Pourtant, les chaînes modernes sont loin d'être aussi simples que leurs prédecesseures et l'usine de Coimbra est aujourd’hui à la pointe de la technologie de la chaîne. Mais qu'est-ce qui rend l'usine Sram de Coimbra si spéciale?

La chaîne sort au kilomètre des machines d'assemblage

Une réponse évidente est que l'installation fonctionne depuis 1968, 50 ans donc. Et depuis tout ce temps, elle fait à peu près la même chose : des chaînes. Et s’il existe beaucoup d'usines dans le monde qui fonctionnent depuis 40, 50, ou 60 ans, mais qui ont cessé, avec le temps, d'être pertinentes, ce n'est pas le cas de celle de Coimbra. Et cette pérennité est probablement en grande partie due à l'histoire locale. Comme pour tous les sites de SRAM, il y a un fort facteur culturel et humain dans le succès du lieu. Si vous voulez comprendre ce qui fait la particularité de Coimbra, ne cherchez pas plus loin que dans le riche patrimoine intellectuel de la région et la valeur de ses habitants.

Beaucoup de fierté de la part des employés pour leur entreprise certifiée ISO 9001

Pays le plus occidental d'Europe, le Portugal a exploré le monde au cours des XVe et XVIe siècles et a offert des cartes de nouveaux territoires aux Européens. Coimbra a un lien étroit avec cet héritage de découvertes et abrite l'une des plus anciennes universités du monde. Fondée en 1290 à Lisbonne par le roi Dinis, l'université de Coimbra fut définitivement établie à Coimbra en 1537. Et d’ailleurs, Sram a établi une connexion spéciale avec l'Université de Coimbra et encourage ses étudiants en ingénierie de premier plan à s'inscrire dans la recherche et le développement de la chaîne durant leurs stages. Certains étudiants continuent d’ailleurs d'y travailler après l'obtention de leur diplôme. Et la collaboration s'avère fructueuse puisque la majorité des ingénieurs travaillant dans l'usine Sram de Coimbra proviennent de l'Université de Coimbra.

Les traitements chimiques et thermiques permettent de rendre les chaînes plus résistantes et durables.

De la rue, l'installation de Coimbra ressemble à un immeuble de bureaux classique sur trois étages. Mais l'espace de bureaux modernes nouvellement construit n'abrite que le personnel administratif et technique, et un laboratoire de test au sous-sol où les ingénieurs testent, éprouvent et améliorent autant la conception que les processus de fabrication de Sram. Quelques pas derrière, se trouve le bâtiment historique de l'usine, où sont fabriquées les chaînes méticuleusement conçues. Lorsque vous entrez, de grands rouleaux d'acier attirent immédiatement l'attention. Les rouleaux sont introduits dans de massives machines d'estampage, où la matière première devient une plaque intérieure ou extérieure destinée à l'une des nombreuses références de chaînes.

L'un des fours de traitement thermique : chaud devant !

Sur le chemin des rubans de métal destinés à l'estampage, on découvre de nombreux racks qui contiennent des quantités impressionnantes de métal brut. Mais bien qu’ils paraissent inépuisables, ces racks sont « secs » deux fois par semaine, pour une somme totale d'environ 50 tonnes de matières premières par semaine. À gauche, une impressionnante collection de machines dédiées à l'entretien de l'outillage nécessaire pour estamper et couper chaque composant des chaînes.

La plaque de métal estampée donne naissance aux plaques des futures chaînes

Une fois que le métal brut a été transformé en composant de la chaîne, il est soumis à plusieurs cycles de traitements pour le rendre plus fort et plus durable. Il existe également des processus pour rendre l'assemblage de la chaîne finale plus uniforme. Ces étapes impliquent des traitements chimiques et thermiques à des températures variables. Les composants de la chaîne sont finis avec une succession de phases de polissage. La plupart des machines utilisées dans cette partie de la chaîne de fabrication datent des premiers jours de l'usine, mais elles ont été modernisées au fil du temps, automatisées et pourvues de systèmes de contrôle de la qualité.

Si vous n'êtes pas déjà hypnotisés par le bruit des opérations d'estampage, la chaleur et le spectacle incandescent des petites pièces de chaîne coulants des fours ancestraux vous captivent immédiatement. Enfin, les pièces de chaîne estampées, traitées et polies sont placées dans des bacs et transportées vers une zone de stockage où elles attendent sagement l'assemblage final. Lors de cette étape d'assemblage, les machines qui continuent à être affinées et adaptées à chaque nouvelle technologie de chaîne joignent les différentes parties de la chaîne. Des capteurs alertent les opérateurs de tout ce qui pourrait compromettre l'intégrité du produit final.

Voir des piles de chaînes s'accumuler sur des tables est impressionnant. Les chaînes sont ensuite précontraintes, testées et graissées avant l'emballage final. Certaines chaînes seront emballées dans de gros rouleaux en vrac, d'autres dans des boîtes de chaînes coupées à longueur pour l’OEM (première monte), et d'autres sont emballées individuellement pour la vente au détail.

La chose la plus impressionnante avec la chaîne de vélo est son extraordinaire besoin d'uniformité. Chaque lien doit fonctionner aussi bien que le précédent - plus de cent fois par chaîne - tout au long de son cycle de vie. Si vous avez la chance de voir ce processus, vous accorderez une plus grande importance à l'humble composant qui relie votre pédalier avec la cassette sur la roue arrière.

Les chaînes de vélo haute performance modernes sont très différentes de celles produites ici même à la fin des années 1960. Elles sont maintenant plus légères alors qu’elles sont soumises à des contraintes toujours plus importantes, elles nécessitent des processus de fabrication plus avancés.

 

En parcourant cette usine et observant la fabrication d'un produit mesuré sur des milliers de mètres et des centaines de milliers de pièces par jour, le concept de contrôle «qualité» prend une signification plus claire. C’est un problématique qui va bien au-delà d'un slogan ou d’un ordre de marche de l'entreprise et bien entendu d'un logo sur un t-shirt. Les ouvriers de l’établissement, à tous les niveaux, de la conception aux techniciens d'assemblage, vivent et respirent avec cette exigence fondamentale. Les drapeaux représentant les niveaux les plus récents de certification ISO de qualité et environnementale (pas faciles à atteindre) volent fièrement à côté du logo Sram peint sur l'usine. Sram a été la première entreprise au Portugal à obtenir la certification ISO 9001 en 2015. Chaque jour, Sram Portugal teste l'homogénéité des matières premières, teste la qualité des produits assemblés, teste la précision des procédés et étudie de nouvelles idées sur la conception de la chaîne. Et tout le monde est fier de cela.

C'est peut-être pourquoi, en dépit des vieilles machines-outils  qui peuvent intriguer au départ, et toutes ces opérations d’emboutissage, de traitement thermique, ces kilomètres de chaîne, on comprend que le succès de cette usine est plus une histoire humaine qu’une affaire de machines.

Au début de l'usine de Coimbra, les travailleurs de nuit avaient remarqué que l'un de leurs fours de traitement thermique fonctionnait à une température idéale pour cuisiner l'un des aliments les plus appréciés du Portugal : la morue. Les travailleurs avaient alors aménagé le four et ils ont commencé à préparer la morue et la pomme de terre Ripoche, du nom de la fournaise de fabrication française où ils ont fait cuire le plat. C'était un succès. Mais les ingénieurs effectuant les contrôles qualité de routine avaient fini par remarquer que les pièces de chaîne se retrouvaient recouvertes d'une étrange couche de graisse. Cela signifiait la fin de la méthode de préparation des aliments Ripoche.

Mais ça n’a pas sonné la fin du parallèle entre la cuisine de la morue et les recettes de fabrication des chaînes. L’ancienne tradition maritime du Portugal a fait de la morue un ingrédient essentiel de la cuisine locale et le pays continue à honorer cet humble animal dans sa gastronomie. Les cuisiniers portugais maîtrisaient le stockage et la préparation de ces poissons bien avant que les méthodes modernes de réfrigération et de cuisson soient disponibles et quand quelqu'un au Portugal vous dit qu'il y a au moins 365 façons de préparer la morue, une pour chaque jour de l’année, autant vous dire qu'il y en a des milliers… et que de nouvelles apparaissent chaque jour. Autant la valeur d'un grand cuisinier est sa capacité à surprendre avec le plus simple et le plus humble des ingrédients autant la valeur d'une grande usine est sa capacité à prendre un composant d’une apparente simplicité et d’améliorer chaque jour ses performances. La boucle est bouclée… avec ou sans attache rapide.



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