Julie Racing Design / L'acier élevé au rang d’art !

Année après année, projets après projets, Julie Racing Design est devenu une des références incontournable dans le domaine du cadre acier haut de gamme. Il va sans dire que l’on parle de fabrication manuelle et de sur-mesure, chaque détail est pensé, réalisé, et «polishé» de la même main. Notre envoyé spécial, Nico Joly, s’est rendu chez Kris pour réaliser une interview exclusive destinée à Vélo de Route.
Publié le 04/03/2014 11:14 -
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Texte et images : Nico Joly / www.nicolasjoly.com/

Adaptation : Krachy

 

Kris Vacheron (l’homme qui se cache derrière JRD) se détache de ses collègues par sa liberté de créer et de s’affranchir de tout poids culturel, esthétique ou technique. Bien loin des raccords brasés à l’argent et des fourches en acier filetée, Kris ne conçoit pas l’acier comme un matériau du passé pour cyclos nostalgiques, mais bien au contraire, comme l’avenir du vélo, comme en atteste la modernité de ses créations. Suite à des soucis de santé survenus en 2013, il a malheureusement dû limiter sa production. Aujourd‘hui plus que jamais, Kris considère la fabrication de cadres comme un acte passionné et artistique bien plus qu’une activité commerciale. Par chance, il n’est jamais avare de son temps quand il s’agit de communiquer sa passion pour l’acier.

 

VDR : Pour commencer, peux-tu nous dire quel cycliste es-tu ?

KV : J’aime bien toutes les pratiques. Mais ma vraie passion c’est le cyclo-cross. J’ai débuté à treize ans sur la route et en cyclo-cross la saison suivante, en compétition. C’était l’âge d’or du VTT, et j’ai aussi fait du VTT.

 

Vélo de Route : On constate ces jours ci un «retour» de l’acier. Oui, certain sourirons en estimant qu’il n’a jamais disparu, mais il avait en tout cas quitté le devant de la scène. En tous cas pour beaucoup d’entre nous ce matériau est un peu mystérieux…

Kris V : Oui, il y a un retour. Mais attention, les séries de tube actuelles n’ont rien à voir avec celles qui avaient cédé leur place à l’alu. On dispose aujourd’hui de tubes plus fin, plus légers, mais aussi plus rigides…bref tout ce qu’il faut pour faire de très bon cadres, dynamiques et performants, tout en étant confortables et léger. Un résultat assez éloigné de ces vieux cadres que certains restaurent avec passion.

 

VDR : On a vécu une période, lancée par les hipsters et les adeptes de fixies, faisant la part belle aux vieux cadres. Ces vieux cadres justement avec leurs raccords plus ou moins ornementaux, tu en penses quoi ?

KV : Je les trouve très beaux, j’aime beaucoup les raccords brasés. Non seulement ils sont élégants mais ils sont toujours la meilleure technique pour relier 2 tubes, en particulier parce que, ne demandant pas une énorme température, il préserve leurs qualités mécaniques aux tubes. Il y a néanmoins un inconvénient majeur, ça cantonne à un catalogue de raccords de tailles et d’angles prédéfinis. Par conséquent, j’ai choisi dès le départ de n’utiliser que la soudo-brasure pour tout mon travail afin de la maîtriser totalement. Et c’est pour moi la seule option qui réponde à la liberté de création, et la nécessité de faire progresser le design. C’est aussi une des raisons qui m’a fait adopter les tubes  Reynolds 853, auto trempé, qui ne se dégrade pas au cours de la chauffe.

 

 

VDR : Le fameux Reynolds 853, concrètement c’est quoi ?

KV : C’est la série d’acier la plus haut de gamme de Reynolds, que j’utilise presque exclusivement. Il y a des tubes plus légers chez d’autres fournisseurs, mais le 853 est mon favori. D’abord il est très solide et m’inspire une totale confiance. Mais c’est surtout en selle que ses qualités dynamiques sont fabuleuses, et en plus j’aime aussi son comportement sous la flamme.

 

 

VDR : et justement au sujet des matériaux, peux-tu nous éclairer sur les autres métaux tels que l’alu, le titane ?

KV : Sur l’alu je n’ai pas grand chose à rajouter à ce que tout le monde sait déjà…le matériau est peu confortable est assez peu adapté au cyclisme. Sa grande qualité c’est le rapport poids/prix, deux critères plus adapté au marketing qu’à la réalisation d’un cadre haut de gamme.

Le titane, je n’aime pas trop le feeling... En dépit de caractéristiques théoriques intéressantes, je le trouve trop «mou» pour une utilisation axée sur le rendement. L’acier moderne est bien meilleur dans cette optique, et quand on ajoute à l’équation le coût du matériau, alors l’intérêt du titane est réellement discutable.

 

VDR : Et l’inox ?

KV : L’inox est intéressant. De mon côté, je suis encore au stade expérimental. J’ai pu essayer le Reynolds 953, et les résultats sont très bons. C’est clairement du très haut de gamme, et on gagne encore un peu de qualité par rapport aux meilleurs aciers. Par contre la manipulation est beaucoup plus délicate, avec le risque de surchauffe. Et si il n’y a pas d’oxydation, le tube est trop délicat pour être réparé (c’est à dire qu’il ne peut supporter la chauffe de démontage d’une partie endommagée)…bref la durée de vie n’est pas nécessairement plus longue qu’un acier classique. Enfin, il y a le prix… Les gens ont tendance à catégoriser les matériaux par prix, l’inox est à classer avec le titane.

 

VDR : Le carbone tu l’utilises souvent pour tes tubes de selle …un sacrilège ?

KV : Oh, non pas du tout, je l’utilise depuis pas mal de temps…c’est devenu une signature. Et toujours dans un souci de performance. Attention le gain de poids est marginal. Ce qui est intéressant, en particulier quand la tige est prolongée jusqu’à la selle, c’est la sensation de connexion entre la selle et les pédales. C’est un gain d’efficacité qui se fait sans compromis sur le confort ou la fiabilité. En plus, comme ce tube est collé, il est très facile à changer.

Un cadre en carbone, c’est autre chose… C’est un assemblage cher, fragile…et très éphémère ! On ne peut nier la performance, mais chacun est en droit de s’interroger sur le prix et la durée de vie par rapport à ses convictions écologiques, ses revenus, sa pratique et cetera.

 

VDR : Le poids d’un cadre acier, alors que les artisans n’aiment pas en parler, les industriels et clients en ont fait une religion. Qu’en est-il ?

KV : La vérité est que les artisans n’aiment pas en parler pour deux raisons : tout d’abord, chaque cadre est unique, adapté à son propriétaire. Il n’y a donc pas de poids standard comparable à celui d’un catalogue…Ensuite, en son âme et conscience, un artisan sait qu’il ne peut aller trop loin sans prendre de risque. Et cet artisan indépendant ne dispose pas d’une armée d’avocats et d’assureurs pour couvrir cette prise de risque. Il prend donc la responsabilité de fabriquer le cadre qui préserve la sécurité de son client.

Cela étant dit, les cadres acier actuels, n’ont jamais été si proches de l’alu ou du titane, avec de bien meilleures qualités d’efficacité et de confort. Et bien entendu cette petite différence de quelques centaines de grammes, un demi bidon tout au plus, n’a pas de réelle incidence sur le poids du vélo complet.

 

 

VDR : Au-delà du matériau, le sur-mesure c’est aussi la recherche d’une géométrie parfaite, non ?

KV : Je suis plutôt classique sur la géométrie, et plus que la géométrie, le sur-mesure c’est l’adaptation à une pratique. La morphologie est une des données, mais le terrain, les capacités physiques, et l’ambition sont également importants. Parfois un coureur expérimenté me demande une géométrie spéciale que je lui fais, mais plus souvent je refuse ce qui semble aller vers un vélo lent ou dangereux. On a trop souvent opposé confort et performance, alors que c’est l’inverse. Le confort est primordial pour la performance. Et il n’y a rien qui me fasse plus plaisir que de voir mes clients gagner des courses avec mes vélos. Je sais que ce n’est pas grâce à moi, mais c’est juste pour dire aux gens, on peut gagner sans carbone !



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