NAHBS série: Interview exclusif de Richard Sachs, 30 ans de métier.

Rencontre avec un personnage.
Publié le 01/03/2013 02:11 -
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Richard Sachs a toujours été un nom qui me semblait familier. Non pas que j’aurai pu expliquer le qui du pourquoi du comment, mais ce nom fait parti de ces monuments de la grande famille du vélo.

Imagine, fabriquer des cadres, année après année depuis 30 ans. Je connais des entreprises qui le font, le font faire du moins. Mais ici, il s’agit d’un seul homme, représentant depuis tout ce temps sa marque, son nom. Richard Sachs raconte son histoire avec une incroyable décontraction, et sans l’once d’émotion dans la voix, d’un seul trait, il parle de ce qu'est sa vie comme si c’était la moindre des choses. Nous l’avons rencontré, et c’était bien la moindre des choses.

Après quelques négociations, j’ai réussi à extraire Richard de son stand au NAHBS, juste le temps de prévenir madame, qui tient la boutique et de s’installer à une table. Son petit gabarit ne s’accorde pas avec les gros bras que l’on imagine dans un atelier à souder. Il a les yeux vifs et perçant et quand il m’annonce que cette année il va courir dans la catégorie  60-65 ans, je réalise qu’il est probablement plus affûté que moi après une saison de cyclo-cross...

 

VDR : Je connais Richard Sachs, mais je n’ai aucune idée de où tout cela à commencer ? Peux-tu m’en dire plus ?

Tout à commencer quand en 1972, je travaillais dans un bike shop sur la côte Est qui fabriquait des vélos. À ce moment là, je n’avais aucun plan dans la tête. Pas la moindre envie de fabriquer des vélos, j’étais un coureur et je travaillais mais j'étais aussi passionné de matériel. Ce magasin s’appelait WITCOMB cycles, et il était le petit frère d’un autre magasin en Grande Bretagne du même nom. Je suis partie 3 ans travailler dans ce shop en Angleterre. Là bas, j’ai appris à fabriquer des cadres. Quand je suis rentrée aux USA en 1975, j’ai recommencé à faire la même chose, et à fabriquer des cadres pour le shop. Mais je me suis rendue compte que je ne voulais pas travailler pour quelqu’un, j’ai démissionné et je me suis mis à mon compte. Je ne voulais pas travailler pour les autres mais pour moi.

 

VDR: Qui ont-été tes clients quand tu t’es installé à ton compte ?

Je vivais et je vis toujours dans le Connecticut. Quand je suis parti du shop, j’étais aussi un coureur, je faisais parti de la communauté des cyclistes là bas. Les gens savaient que j’avais passé plusieurs années en Europe. À l’époque, tous les coureurs qui venaient s’acheter un vélo le faisaient faire sur mesures. Les gens me connaissaient et les coureurs aussi comme je faisais beaucoup de courses, hiver comme été. Ça a été naturel.

En Août 80, ça envoyait du bois sur les cadres Sachs. photo: https://www.richardsachs.com/

VDR: Est-ce que tu as eu assez de client, en dehors des murs du magasin ?

On vendait beaucoup de vélos. Et surtout je travaillais beaucoup, pendant plusieurs années je fabriquais seul 120 cadres par ans. Je vendais les cadres ou des vélos complets, donc pour ceux là, je devais encore faire tout le montage. Au fur et à mesures d’autres personnes qui fabriquaient des cadres sont venus me voir, pour acheter des pièces, des potences ou des raccords, ou des kit cadres prêt à être soudés. Je me suis mis à fabriquer en plus des pièces pour les autres. Toujours en acier.

Le travail de Richard Sachs, impressionnant de précision.

 

VDR: D’où vient le design de tes cadres ? Ont-ils évolué en 30 ans ?

J’ai toujours voulu travailler seul. J’ai dessiné le cadre, ce qui me paraissait le mieux en tant que coureur, je l'ai testé et fait évoluer jusqu'à ce que je sois satisfait. Avec les années, tu t’améliores forcément, à force de fabriquer, tu deviens plus efficace, plus précis. C’est en ce point que mon travail a évolué. L’exécution devient forcément meilleure avec la pratique. Mais je n'ai plus envie de travailler autant. Maintenant, je fais en maxi 5 cadres par mois, plus des pièces pour les autres...

(Après un bref calcul basé sur le nombre d'inscrits sur la liste d'attente de Richard Sachs, entre le moment où je vais commander mon cadre et celui où je l'aurai entre les mains, il faudra en moyenne 3 à 5 ans... et si c'était ça le vrai luxe?)

Un jour, j'aurai un Richard Sachs...

 

VDR: Je demande ça, parce que j’ai appris que depuis toujours, tes cadres étaient peins en blanc et rouge, et toujours le même, d’où vient le choix de cette couleur ?

En 1992, j’ai créé une équipe de cyclisme sur route sur la côte Est, un de nos sponsors était le Coq Sportif. Tu dois connaître, c’est français… Ils nous ont fabriqué tous nos équipements. L’équipe portait mon nom, car ils roulaient mes vélos. On a fait matcher la couleur des maillots, blancs et rouges avec celle du cadre. Après le sponsor est parti… Mais on a gardé la couleur. Et on a continué avec les mêmes tenues, mais depuis c’est Verge, dans le New Jersey qui s’occupe des maillots.

Colombus fabrique un acier exclusivement pour lui et Dario, l'acier ''Pegorichie'' de Dario Pegoriti, un fabriquant italien de la même trempe et Richie pour Richard.

 

VDR: Mais j’ai vu un nouveau rouge et un nouveau blanc, un peu argenté ?

Ah non. C’est la même couleur. Pour obtenir une couleur, on doit calculer le nombre de couches et le temps de séchage. Ça dépend de la façon dont on applique la peinture également. On a gardé les mêmes couleurs, on a juste ajouté un vernis argenté différent. Mais ce sont les mêmes couleurs.

 

Au passage: Joe Bell est monsieur peinture des vélos Richard Sachs depuis 30 ans, il a même un vélo décorré à son effigie dans les paddock du NAHBS.

 

VDR: Tu as été un coureur, peux-tu m’en dire un peu plus, ainsi qu’à propos de ton équipe ?

Tous les maillots de l’équipe depuis 20 ans sont sur le stand. En tout, on a eu 10 champions nationaux dans l’histoire de l’équipe.

Le maillot de champion des Etats-Unis qu’il y a sur le stand est celui de Jonathan Page en 2002. Il vient de regagner un nouveau titre élite, 10 ans après, mais maintenant il courre en Belgique.

 

Je courre aussi, j’ai toujours couru, toutes sortes de courses, durant toutes les saisons, j’ai toujours couru toutes les courses que je pouvais, en cyclo-cross ou sur la route. Maintenant, je vais passer dans la catégorie 60-55 ans.

Bon, il faut que je retourne sur le stand, c’est important que j’y sois, tu as d’autres questions ?

 

VDR : Non, non Sir. Je crois que j’ai de quoi faire…

Comme VDR avait vu juste, le lendemain du show, Richard Sachs s’est vu remettre une belle bouteille de whisky au titre de personnalité du show à NAHBS. J’ai pu attraper un de ses rares sourires du week-end.



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