Le Grand Raid en gravel / Une si douce folie !

Marathon mythique en Suisse, le Grand Raid relie les stations de Verbier et de Grimentz. Les 125km et 5’000m de D+ du parcours se font en très grande partie sur un terrain roulant. L’idée de disputer cette épreuve en gravel ou en cyclo-cross remonte à il y a quelques années. Le matériel s’améliorant notablement ces deux dernières années, c’était le moment de relever ce défi.
Publié le 28/10/2015 14:20 -
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Texte : Amaël Donnet

Images : Amaël Donnet & Sportfotograf

 

Pour ceux qui sont allergiques à nos délires et pour ceux qui sont déjà nostalgiques de l’été, voici notre sujet «classique» sur le Grand Raid : https://www.velovert.com/information/10389/grand-raid-cristalp-une-edition-record

 

Notre «bicloune» / rodage

Après un début prudent au guidon du Caminade, nous sommes rapidement partis à la conquête de nouveaux espaces. Ceci sans jamais tomber sur des tracés roulant tel le Grand Raid, nous y sommes allergiques et nous avons un mot d’excuse !

Après avoir validé mos choix sur des parcours cross-country, nous sommes rapidement partis en montagne et sur des traces «enduro». Si on galère bien dans le cassant et les parties rapides, quel plaisir de repousser ses limites. On roule avec plaisir sur des monotraces plutôt engagé au niveau technique. Mais qu’est-ce que cela va donner sur le Grand Raid ? Un cyclo-crossman averti nous a emboîté le pas dans cette folie. Arès avoir effectué le parcours en reconnaissance, il nous a avoué quelques craintes. Cela ne me rassure pas vraiment… D’autant plus que pour ma roue avant le montage tubeless ne tient plus !

 

Nos parcours d'entraînement

Vous trouverez sur ce lien le test complet de notre vélo : https://www.veloderoute.com/article/10664/essai-caminade-gravel--gravelement-bien-

 

De Verbier à Grimentz

Le Grand Raid débute toujours par le traditionnel contrôle technique. Une perte de temps inutile, mais l’organisation reste centrée sur la tradition. Je m’y rends en bonne compagnie, avec Julien Nayener de Vélo Vert et une triple Championne du Monde des coursières à vélo. Petite surprise sur la place d’armes sédunoise : pour prendre le départ avec nos biclous à guidon tordu, nous devons signer une décharge. Nous le faisons avec le sourire. Par la suite nous regagnons Verbier, le programme de la soirée se compose d’une virée de décrassage, d’un bon Maigret de canard plat de pâtes et d’une réparation de fortune sur le vélo d’une concurrente avec à l’aide d’un ciseau.

 

Décrassage la veille du Jour J avec Joséphine et Julien. Un couple de vététistes très sympa !

 

Après une courte nuit, un petit-déjeuner copieux et un échauffement des plus brefs. Votre humble serviteur rejoint la queue du peloton pour le départ. A la vue de mon gravel, tant les spectateurs que les participants sont incrédules. Six heures pétantes, le peloton s’étire en direction de la Croix de Cœur. Sur cette première ascension roulante, la suprématie du gravel est nette : une bonne partie du peloton est avalé sans forcer. Sur le replat menant des Atlas à la croix de Cœur, les mains calées en bas du cintre je progresse rapidement. A mi-parcours, le passage du tunnel éclairé reste toujours magique, une sono un peu vétuste. Crache un son hard rock de radio FM. La première bosse est avalée en 36 minutes à une puissance moyenne de 317 watts selon Strava.

C’est le moment de basculer sur une longue descente 4X4. La première ligne droite est abordée à vive allure, mais peu avant le premier virage ça secoue grave. Il y a de nombreux trous de freinage, il faut dire qu’en vingt-six éditions, il y a du monde qui est passé sur ce chemin. Me voilà averti, les descentes sur les chemins 4X4 seront un enfer !

De Verbier à Veysonnaz (46ème kilomètre), le parcours enchaîne les bosses et les descentes rapides. A chaque descente je suis largué, mais je reviens à chaque montée. Si je me suis jamais fait autant dépasser dans les descentes qu’en ce jour de Grand Raid, je reviens sur mes compères de course à chaque ascension. Il en ira de même toute la journée, ces dépassements récurrents seront souvent l’occasion de tailler le bout de gras.

 

Un peu avant Nendaz, le premier souci me tombe dessus. La chambre à air explose sur un tout petit choc mal contrôlé. La réparation est effectuée sans stress. A l’aborde d’une descente, un peu avant Veysonnaz Julien me double en criant «Verbier». On rigole un bon coup. Je le laisse filer, car le petit champ de racines me parait être propice pour subir les affres d’une morsure de serpent (snake bite). Malgré cette prudence, une deuxième crevaison se profile… Toujours de l’avant, et toujours une histoire de chambre à air suicidaire. Au final je vais en subir cinq !

Dès la deuxième réparation, j’opte pour un rythme de randonnée dominicale histoire d’apprécier à sa juste valeur les paysages.

A Hérémence, l’initiateur du premier Grand Raid (Jean-Michel Colson) me ravitaille et il me passe deux chambres à air. Tout au long du parcours je reçois du soutien des personnes interloquées par mon vélo. Ca motive, c’est décidé, même si je dois finir en footing, je vais rejoindre la ligne d’arrivée !

La traversée de Mandelon se montre technique et elle offre une incroyable vue sur les sommets valaisans enneigés. La beauté du panorama me donne des frissons ! Sur les parties techniques, le gravel s’en sort avec les honneurs. En bout de ligne droite, je lâche les freins, un bunny par-dessus un caillou et paf je retombe sur une pierre. C’est reparti pour un changement de chambre à air. Aussi ennuyante que dangereuse, la plongée sur Evolène est sans aucun doute la descente la plus nulle du circuit VTT marathon.

Au début de l’ascension menant à la Vieille, je croise Julien qui redescend. Moralement après ses nombreux marathons, il n’en peut plus, il bâche. Notre ravitailleur officiel, Jean-Michel Colson nous attends à Eison. On papote trois mots, deux photo et hop il est temps de se remettre en selle, l’interminable ascension sur la Vielle nous tend les bras. Puis de là c’est le portage jusqu’au Pas de Lona. Un passage magique mais qui pour certains ressemble à un chemin de croix. Au somment habituellement la foule encourage les valeureux participants. Mais cette année avec ma vitesse d’escargot asthmatique, lors de mon passage il n’y a plus grande monde. Fallait pas trainer !

Attention, il ne faut pas croire qu’au sommet la course est pliée. Car il reste le Basset de Lona, avec ses 2'792 mètres il s’agit du point culminant du parcours, et l’interminable dégringolade sur Grimentz. Peu avant le Basset des gens m’avertissent que c’est trop tard pour le Tour de France… Dans un éclat de rire j’explique que j’ai quatre semaines de retard car je très mauvais.

 

Dès les premiers lacets menant sur le barrage de Moiry, un ex-pro sur route me double et crie «Et bien, c’est la première fois que je double Krachy en descente !». Je ne vais pas le contredire, je reste concentré car j’ai épuisé tous mes jokers pour les crevaisons. Ne pas merder, ne pas merder ! Peu avant le barrage, je me retrouve à plat. Il reste huit kilomètres et ce sont les plus techniques et cassants du parcours… Que faire ?!? N’étant tout sauf un fan de footing, il m’est impossible d’imaginer de finir la course en trottinant. Après une bonne déprime, en mode assis au bord du chemin, je prends l’option de finir à plat. C’est donc en zigzagant que je poursuis ma route. Peu avant la ligne d’arrivée je croise l’amie de Christoph Sauiser qui rigole en me voyant sur ce drôle de vélo. Je coupe la ligne d’arrivée en un misérable chrono de 9h11. Finalement le temps m’importe peu, la mission est remplie ! On fêtera ça le lendemain avec Julien en roulant en enduro sur un tracé long de 35 et riche de 1’400m de D+ et de 2’100m de D-. La vraie vie de vététiste !

A plat, ça fonctionne moins bien ^^

 

Conclusion /débrief

Si certaines personnes pensent que nous avons ouvert une brèche avec nos vélos sur le Grand Raid, ce n’est de loin pas le cas. Les routes 4x4 sont trop défoncées pour rouler sur un cyclo-cross ou un gravel. Ca passe, mais il est nécessaire de posséder un bon physique et un coup de guidon pas trop dégueulasse. Un VTT reste bien plus efficace dans de telles conditions.

Concernant le Grand Raid, le tracé n’a jamais réellement évolué, à contrario des VTT, désormais il manque cruellement de saveur. De ce fait si l’organisation se montre sans failles et que les panoramas sont incroyables, cette course manque de saveur et la participation se montre en retrait. Une remise en question s’impose, d’autant plus que la Swiss Epic montre ce qu’il est réellement possible de faire en Valais. Il me serait du reste jamais venue à l’idée de me lancer l’an dernier sur cet épreuve avec un gravel !

 

Le point de vue d’Yves Corminboeuf

Le Grand Raid, du fantasme à la réalité !

Comment s’y prendre pour faire parler du cyclo-cross, cette discipline parfois ingrate mais si belle ? Il suffit de trouver la course de marathon la plus exigeante et mythique de Suisse, voir du monde, et se lancer en pari de la courir de bout en bout sans suspension et avec des pneus de 34 mm de large.

J’estimais qu’il  fallait déjà passer du temps sur les 125 kms avant le jour J. A un mois de la date fatidique, j’ai entrepris un repérage sur deux jours, le sac à dos chargé de chambres à air. Mais dès la première descente, roulante dans mes souvenirs, surprise ! Ca va être l’enfer ! Chaque caillou, chaque petite pierre te rappellent que tu as oublié ton VTT et que ton défi est plus stupide que futé. Mais après cette expérience, je possède toutes les infos pour prendre le départ fin août.

On y est, 6h du matin. J’ai opté pour un mono plateau 32dents. Des pneus tubeless de 34mm de section, et une gourde de 3dl dans la poche, sans porte-bidon.

Après un départ prudent, je comprends vite dans les premières descentes que je dois rouler en tête, avoir un œil sur mon chemin, anticiper chaque grain de gravier.

Certes ton rendement dans certaines montées est meilleur. Mais honnêtement, tes bras, ton dos souffrent tellement que tu n’as pas franchement envie de te surpasser en montée.

Bonheur partagé de tous les participants - le sommet du Pas de Lona. Enfin la dernière descente ; chouette ! J’avais dans mes souvenirs qu’en hardtail ça tapait méchant ! Mes souvenirs étaient bons ! Disons que j’ai pris le temps de descendre. Le paysage est si beau ;-)

Au final, zéro crevaison, zéro chute, 8h10 (soit 8 cyclocross à la suite) pour les 125 kms et les 5025 m de dénivelé. Et surtout, la certitude que tu peux rouler partout en cyclo-cross, mais pour te faire plaisir sur le Grand Raid prenez votre VTT !

 

Une histoire de gravel

Le gravel c’est le cousin des cyclo-cross, nous n’allons pas vous raconter sa genèse mais il faut savoir que cette pratique est née aux USA. Par rapport à un cyclo-cross qui possède un cadre ultra rigide et une géométrie conçue pour les franchissements, un vrai gravel se montre plus sage. Si en cyclo-cross les épreuves ne durent qu’une heure, en gravel on roule plus longuement et il n’y a pas de limite concernant la largeur des pneumatiques/boyaux. Un gravel possède une géométrie plus orientée route, afin d’améliorer sa polyvalence, les cadres possèdent une certaine souplesse verticale garante de confort, et le dégagement de la fourche et du triangle arrière permettent l’installation de pneumatiques à la section généreuse. Si certains gravel sont orientés ludiques, d’autres sont tournés vers le voyage. Ce qui en font des randonneuses modernes.

 

Qui ose dire que je roule comme un goret ?!?



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